BRETON, André (1896-1966)
Manuscrit autographe signé, préparatoire pour Trajectoire du rêve, daté "26 janvier 1938".
3 pp. (270 x 210 mm) au verso de 3 formulaires de prêt d'oeuvres pour l'exposition internationale du Surréalisme de janvier-février 1938. Encre verte. Nombreuses ratures et corrections autographes, plusieurs passages soulignés. (traces d'agrafes au coin supérieur gauche)
André Breton consigne et analyse ses rêves : manuscrit de travail pour le septième numéro des Cahiers G.L.M., consacré au rêve, dont il dirige la publication. En 1937, Breton avait sollicité Freud pour participer au projet, se heurtant au refus du psychanalyste. Le numéro paraît en mars 1938, rassemblant textes et illustrations de divers artistes dont Breton lui-même : le présent manuscrit réunit le récit de l'un de ses propres rêves, "Accomplissement onirique et genèse d'un tableau animé", suivi d'un texte explicatif intitulé "Sur champ de feu, de l'arbre noué à l'aurore boréale par une grille de lions fellateurs", daté du 26 janvier 1938. Le texte correspond à la version publiée, à quelques infimes variantes près.
Le rêve se développe autour d'un tableau imaginaire dont Oscar Dominguez ami d'André Breton, serait le peintre. L'écrivain détaille d'abord la "conception toute nouvelle" de la peinture, représentant des arbres qui se révèlent être des noeuds, puis des lions, encastrés les uns dans les autres et qui se lèchent : "L'admirable est qu'au fur et à mesure que Dominguez les fait apparaître, les lions exécutent aussitôt 'en réalité' l'opération susdite, de sorte que la toile s'anime de plus en plus. Par l'effet combiné de la peinture et de l'action des lions, chaque derrière de lion s'identifie peu à peu avec le soleil (illusion de plus en plus parfaite d'aurore boréale)." Il précise que le récit du rêve est lacunaire, "à en juger par le regret très sensible de l'oubli au réveil". Alors que Dominguez utilise un "feu bleu vert" pour continuer sa composition, un incendie se déclare, contre lequel Breton lutte avant de quitter la maison. Il croise un médecin dont l'attitude "rappelle plutôt celle d'un douanier" et qui lui confie avoir vu Léon Blum quelques instants plus tôt. Breton se réveille et consigne immédiatement son rêve : il est 3h05 dans la nuit du 7 février 1937.
"L'admiration qu'éprouve le rêveur à l'égard du spectacle qui lui est offert, l'émerveillement même qui s'empare de lui à tel point de son déroulement [...] suffiraient à faire admettre que nous sommes ici bien placés pour saisir sur le vif le processus de la création poétique, artistique telle que nous la concevons dans le surréalisme, pour distinguer en elle ce qui est du ressort érotique et du ressort psychologique, ce qui est fonction du désir et fonction de la connaissance."
Le second texte revient sur les circonstances particuières de survenue du rêve : "Je m'étais couché plus tôt que de coutume, ayant subi un commencement d'intoxication provoqué par l'état de délabrement du tuyau du poêle dans mon atelier [...] j'avais cédé à l'impulsion déplorable de serrer autour de ce tuyau une bande d'étoffe qui en couvrit les fissures les plus apparentes [...] Le lendemain, veille du rêve, ma femme et moi avions constaté que la souillure s'étendait rapidement et simulait, à s'y méprendre, une tache de sang par imbibation progressive sur la gaze." Breton tente ensuite d'expliquer à quoi font référence les différents éléments qui, ensemble, fourniront la "trame du rêve" : le tuyau du poêle enrubanné de tissu qui deviendra "arbre et noeud", une photographie de manchot entre ses petits observée dans un livre sur les oiseaux, un sonnet écrit quelques mois plus tôt intitulé "La Pêche aux écrevisses", une lecture lui ayant rappelé les couleurs de l'aurore boréale l'avant-veille du rêve, ou encore le "souvenir impérissable [...] d'un coït de lion auquel j'ai assisté lors d'une visite au jardin zoologique d'Anvers", qui expliquerait "l'activité particulière des lions dans le rêve, [...] commandée sans doute par le remplacement du mot Anvers par son homophone : envers..." Face à toutes ces transpositions oniriques, l'écrivain s'émerveille de "la richesse et la variété des interprétations qui se donnent libre cours à propos d'une même figure et le passage extrêmement rapide de l'une à l'autre".
André Breton, Oeuvres complètes, II, pp. 1215-1220 et 1808-1809.
Fascinating working manuscript for a book about dreams directed by André Breton the first text relates one of his dreams about "fellator lions" and the second one tries to find in which elements of the reality the dream took its source. Faced to one's own dreams, Breton thinks that "we are here well placed to grasp the process of poetic, artistic creation as we conceive it in Surrealism, to distinguish in it what is of the erotic and psychological kind, what is a function of desire and a function of knowledge."
BRETON, André (1896-1966)
Manuscrit autographe signé, préparatoire pour Trajectoire du rêve, daté "26 janvier 1938".
3 pp. (270 x 210 mm) au verso de 3 formulaires de prêt d'oeuvres pour l'exposition internationale du Surréalisme de janvier-février 1938. Encre verte. Nombreuses ratures et corrections autographes, plusieurs passages soulignés. (traces d'agrafes au coin supérieur gauche)
André Breton consigne et analyse ses rêves : manuscrit de travail pour le septième numéro des Cahiers G.L.M., consacré au rêve, dont il dirige la publication. En 1937, Breton avait sollicité Freud pour participer au projet, se heurtant au refus du psychanalyste. Le numéro paraît en mars 1938, rassemblant textes et illustrations de divers artistes dont Breton lui-même : le présent manuscrit réunit le récit de l'un de ses propres rêves, "Accomplissement onirique et genèse d'un tableau animé", suivi d'un texte explicatif intitulé "Sur champ de feu, de l'arbre noué à l'aurore boréale par une grille de lions fellateurs", daté du 26 janvier 1938. Le texte correspond à la version publiée, à quelques infimes variantes près.
Le rêve se développe autour d'un tableau imaginaire dont Oscar Dominguez ami d'André Breton, serait le peintre. L'écrivain détaille d'abord la "conception toute nouvelle" de la peinture, représentant des arbres qui se révèlent être des noeuds, puis des lions, encastrés les uns dans les autres et qui se lèchent : "L'admirable est qu'au fur et à mesure que Dominguez les fait apparaître, les lions exécutent aussitôt 'en réalité' l'opération susdite, de sorte que la toile s'anime de plus en plus. Par l'effet combiné de la peinture et de l'action des lions, chaque derrière de lion s'identifie peu à peu avec le soleil (illusion de plus en plus parfaite d'aurore boréale)." Il précise que le récit du rêve est lacunaire, "à en juger par le regret très sensible de l'oubli au réveil". Alors que Dominguez utilise un "feu bleu vert" pour continuer sa composition, un incendie se déclare, contre lequel Breton lutte avant de quitter la maison. Il croise un médecin dont l'attitude "rappelle plutôt celle d'un douanier" et qui lui confie avoir vu Léon Blum quelques instants plus tôt. Breton se réveille et consigne immédiatement son rêve : il est 3h05 dans la nuit du 7 février 1937.
"L'admiration qu'éprouve le rêveur à l'égard du spectacle qui lui est offert, l'émerveillement même qui s'empare de lui à tel point de son déroulement [...] suffiraient à faire admettre que nous sommes ici bien placés pour saisir sur le vif le processus de la création poétique, artistique telle que nous la concevons dans le surréalisme, pour distinguer en elle ce qui est du ressort érotique et du ressort psychologique, ce qui est fonction du désir et fonction de la connaissance."
Le second texte revient sur les circonstances particuières de survenue du rêve : "Je m'étais couché plus tôt que de coutume, ayant subi un commencement d'intoxication provoqué par l'état de délabrement du tuyau du poêle dans mon atelier [...] j'avais cédé à l'impulsion déplorable de serrer autour de ce tuyau une bande d'étoffe qui en couvrit les fissures les plus apparentes [...] Le lendemain, veille du rêve, ma femme et moi avions constaté que la souillure s'étendait rapidement et simulait, à s'y méprendre, une tache de sang par imbibation progressive sur la gaze." Breton tente ensuite d'expliquer à quoi font référence les différents éléments qui, ensemble, fourniront la "trame du rêve" : le tuyau du poêle enrubanné de tissu qui deviendra "arbre et noeud", une photographie de manchot entre ses petits observée dans un livre sur les oiseaux, un sonnet écrit quelques mois plus tôt intitulé "La Pêche aux écrevisses", une lecture lui ayant rappelé les couleurs de l'aurore boréale l'avant-veille du rêve, ou encore le "souvenir impérissable [...] d'un coït de lion auquel j'ai assisté lors d'une visite au jardin zoologique d'Anvers", qui expliquerait "l'activité particulière des lions dans le rêve, [...] commandée sans doute par le remplacement du mot Anvers par son homophone : envers..." Face à toutes ces transpositions oniriques, l'écrivain s'émerveille de "la richesse et la variété des interprétations qui se donnent libre cours à propos d'une même figure et le passage extrêmement rapide de l'une à l'autre".
André Breton, Oeuvres complètes, II, pp. 1215-1220 et 1808-1809.
Fascinating working manuscript for a book about dreams directed by André Breton the first text relates one of his dreams about "fellator lions" and the second one tries to find in which elements of the reality the dream took its source. Faced to one's own dreams, Breton thinks that "we are here well placed to grasp the process of poetic, artistic creation as we conceive it in Surrealism, to distinguish in it what is of the erotic and psychological kind, what is a function of desire and a function of knowledge."
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