Beschreibung:

DERAIN (André). Lettre autographe signée à l’historien et critique d’art Adolphe Basler. Cahors, 7octobre [1920]. 4pp. in-8. «...Je suis dans le plus complet isolement. Je n’ai presque pas de nouvelles de Paris. J’ai vu que la galerie Simon est ouverte et j’ai reçu un aff reux livre de Kahn paru sur moi en Allemagne [André Derain, publié à Leipzig en 1920 par le critique d’art, galeriste et éditeur parisien Daniel-Henry Kahnweiler, qui avait dû fermer sa galerie durant la guerre, étant de nationalité allemande, et venait de la rouvrir sous le nom de Galerie Simon]. J’AI BEAUCOUP TRAVAILLÉ MAIS JE NE SUIS PAS CONTENT  LE CONTACT DE LA NATURE M’A RAMENÉ À AUTREFOIS. J’ai été dépassé par cet enchantement perpétuel qui est ce midi admirable mais qui la vie d’un peintre bien dure. J’avais trouvé dans la fi gure la solution d’un tas de choses et je n’ai pu faire une bonne liaison avec cette magie céleste. C’est la vieille et stupide histoire du plein-air, peut-être. Mais il y a une chose qui est sûre, c’est que PLUS ON CROIT FAIRE DU NOUVEAU, PLUS ON VIT SUR L’HABITUDE DE LA PEINTURE. C’est en quelque sorte une superstition par rapport à une croyance véritable. IL Y A UNE CUISINE DE PEINTRE QUI N’EST PAS LA NATURE, qui vient de la toute les triturations de palette ou de lignes etc. qui ont fait ce que l’on a appelé l’art pour l’art. Ce n’est pas ça du tout et je crois que tout le monde jusqu’à maintenant vit de cette cuisine de ragoût qui forme une espèce de convention brochée sur la vraie convention. On fait des choses qui ont l’air d’avoir l’air. L’OEUVRE DE CÉZANNE, DE RENOIR, ÇA A ÉTÉ LA LUTTE CONTRE CETTE CUISINE mais cependant les aquarelles de Cézanne, qui sont sublimes, en sont encore. Les mauvais peintres, comme eux des artistes français, se servent aussi de couleurs, de valeurs, et de tout le boniment impressionniste, cubiste, etc., alors pourquoi faire... Justement, un imitateur peutêtre servile des anciens ne les imiterait pas autant qu’un novateur qui ne prend que leurs apports de lignes, de couleurs, tandis que l’autre en aurait la copulation complète et serait susceptible de créer l’enfant. Quand on fait un enfant, on ne le fait pas blond ou brun, ou grand ou petit, l’enfant est fait par Dieu ou la nature comme vous voudrez. JE DOUTE DE LA PEINTURE DE PEINTRE CAR ELLE EST UN DON ET LES DONS N’IMPLIQUENT NI LA CONSCIENCE NI L’EFFORT QUI, EUX, ENGENDRENT LE VRAI QUI DEVIENT ENSUITE LE BEAU POUR LES AUTRES...