Beschreibung:

BOUQUET DE FLEURS, CIRCA 1930 Huile sur toile 73 x 60 cm Il est difficile de ne pas se poser la question d'une possible influence, aussi légère soit-elle, des Arts Premiers sur une part de l'oeuvre de Jean Fautrier En effet, l'artiste s'est intéressé très tôt à l'Art africain. En 1923 il achève son tableau "Art nègre et fruits", représentant une nature morte avec une statuette Kongo. Sa rencontre avec le marchand Paul Guillaume en 1925, suivie d'une collaboration de plusieurs années entre les deux hommes, a renforcé l'intérêt du peintre pour ces arts venus de loin. En 1928, Pinturicchio évoque dans le "carnet de la semaine n°701" une petite chambre "pleine de bois nègres" en désignant une pièce se trouvant derrière le garage de M et Mme Castel qui servait d'atelier au jeune Fautrier. Mais ce n'est que récemment, en découvrant d'anciens cahiers de l'artiste et de sa femme Jeannine Aeply que l'évidence s'est étayée de preuves supplémentaires. Fautrier a effectivement intégré quelques détails tels des scarifications et d'autres motifs décoratifs dans certaines de ses peintures mais sans changer profondément l'esthétique de ses tableaux. Contrairement à d'autres artistes de sa génération ou avant lui, la sculpture "nègre" ne constituait pas, pour Fautrier, le départ de son inspiration mais venait parfois s'y greffer apportant un supplément de profondeur et de sens esthétique à ses peintures. Des détails chargés de sens et d'histoires étaient intégrés discrètement et harmonieusement à certains de ses tableaux. Cette peinture "Bouquet de fleurs" réalisée en 1930 est drapée d'une peau primitive scarifiée et réunit deux esthétiques: l'art occidental et l'art tribal. Les couleurs sont sublimes. Une lumière surgit de certaines fleurs lorsque d'autres semblent la retenir. Une émanation composée d'un subtil mélange de gris lumineux, de touches de jaune et de diverses nuances de brun entour le bouquet. L'ensemble est auréolé verticalement d'ondulations grattées dans la matière, qui viennent enceindre le bouquet comme pour le protéger et le mettre en lumière. On retrouve ces formes sinusoïdales en bas des joues du masque LULUA de la collection Fautrier, acquis par celui-ci chez son marchand Paul Guillaume. Ce bouquet, qui est un des derniers réalisés par l'artiste, dépasse l'aspect figuratif des bouquets de l'époque à travers son esthétique, la disparition progressive des formes et le matiérisme de sa composition. Il annonçait déjà l'informel sur lequel Fautrier allait commencer à oeuvrer juste après. L'artiste travaille de plus en plus sur la matière, la perception et moins sur l'exactitude des formes. Extraits du livre "Fautrier Artiste, Fautrier Collectionneur" en préparation par © Nazim KADRI pour ces textes