L.A., La Haye 15 juin 1774, [au Docteur Nicolas-Gabriel Clerc]; 3 pages in-4 (lég. fentes renforcées au pli). Importante lettre lors du séjour à Amsterdam au retour du voyage en Russie, sur le projet de refaire l'Encyclopédie subventionnée par Catherine II. [Diderot s'occupait notamment à La Haye de l'édition, chez son libraire Marc-Michel Rey, du livre du général Betzky sur Les Plans et les Statuts des diff érents établissements ordonnés par S.M.I. Catherine II pour l'éducation de la jeunesse..., traduit par Nicolas-Gabriel Clerc (1726-1798), médecin et traducteur de la Tsarine.] Diderot commence par « une histoire ou un conte » à propos du livre de Clerc et de Rey: « Un galant homme de notre pais eut deux procès à la fois; l'un avec sa femme qui l'accusoit d'impuissance; l'autre avec une maitresse qui l'accusoit de lui avoir fait un enfant. Il disoit, Je ne saurois les perdre tous deux. Si j'ai fait un enfant à ma maitresse, je ne suis pas impuissant, et ma femme en aura un pié de nez. Si je suis impuissant, je n'ai pas fait un enfant à ma maitresse, et cellecy en aura le nez camus. Point du tout. Il perdit ses deux procès, parce qu'on les jugea l'un après l'autre. Cela vous paroit bien ridicule; he bien, c'est ce qui vient de m'arriver tout à l'heure à moi meme avec un auteur et un libraire à qui j'avois vendu le ms de l'auteur. Je disois, Si le libraire est mecontent, l'auteur sera satisfait; et si l'auteur n'est pas satisfait, Libraire sera content. Point du tout. Ils me chantent pouille tous deux. Je vous proteste, Docteur, que j'ai fait de mon mieux. Vous ne pensez pas qu'il est ici d'usage de ne rien payer; vous ne pensez pas que je n'aurois pas eu un écu de plus à Paris et qu'on vous y auroit mis en capillotade. Votre ms est fouré de lignes qu'aucun censeur royal n'auroit osé vous passer. Ainsi, madame Clerc, dites à votre mari qu'il se taise et qu'il me laisse en repos ». Il attend Grimm « d'un jour à l'autre », et Rey enverra à Clerc son « ballot d'exemplaires ». Puis il en vient à l'Encyclopédie: « Comment! vrai! L'encyclopédie est une aff aire décidée! Point de mauvaise plaisanterie, Docteur, s'il vous plaît. Quoi, je ne mourrai pas sans avoir fait encore une bonne action et refait un grand ouvrage, une bonne action, en dotant, pour ma part, un établissement élevé par l'humanité; refait un grand ouvrage, en le conformant au plan sur lequel il avoit été projeté; je ne mourrai pas sans m'être bien dignement vangé de la méchanceté de mes ennemis; je ne mourrai pas sans avoir élevé un obélisque sur lequel on lise, à l'honneur des Russes et de leur Souveraine et à la honte de qui il apartiendra; je ne mourrai pas sans avoir imprimé sur la terre quelques traces que le tems n'eff acera pas. J'y mettrai les quinze dernieres années de ma vie, mais à votre avis, qu'ai-je à faire de mieux? J'étois en train, lorsque j'ai reçu votre lettre, de préparer une édition complette de mes ouvrages. J'ai tout laissé là. Ces deux entreprises ne peuvent aller ensemble. Faisons L'encyclopédie; et laissons à quelque bonne ame le soin de rassembler mes guenilles, quand je serai mort. À présent que j'y réfléchis plus serieusement, la circonspection de Mr le General [Betzky] ne me surprend plus. L'aff aire d'interet ne pouvoit pas être aussi claire pour lui que celle d'utilité et de gloire pour la Souveraine. Il s'est donné le temps d'entendre et de me connoitre. Les grands sont si sujets à rencontrer des fripons, qu'ils se méfient des honnetes gens. Si nous avions été dix ou douze ans à leur place, nous nous mefierions comme eux ». Il annonce le remplacement de La Vrillière par Sartine, « je ne dis pas mon protecteur, mais mon ami de trente ans », puis parle de l'avancement des Plans et Statuts: « L'édition va son train, nous gemissons sous deux presses, l'une à Amsterdam, l'autre ici. J'y mets tout ce que je scais; maudit arabe que vous êtes, qui toisez l'amitié sur l'importance des services, faites vous couper le prepuce, et puis judaisez,
L.A., La Haye 15 juin 1774, [au Docteur Nicolas-Gabriel Clerc]; 3 pages in-4 (lég. fentes renforcées au pli). Importante lettre lors du séjour à Amsterdam au retour du voyage en Russie, sur le projet de refaire l'Encyclopédie subventionnée par Catherine II. [Diderot s'occupait notamment à La Haye de l'édition, chez son libraire Marc-Michel Rey, du livre du général Betzky sur Les Plans et les Statuts des diff érents établissements ordonnés par S.M.I. Catherine II pour l'éducation de la jeunesse..., traduit par Nicolas-Gabriel Clerc (1726-1798), médecin et traducteur de la Tsarine.] Diderot commence par « une histoire ou un conte » à propos du livre de Clerc et de Rey: « Un galant homme de notre pais eut deux procès à la fois; l'un avec sa femme qui l'accusoit d'impuissance; l'autre avec une maitresse qui l'accusoit de lui avoir fait un enfant. Il disoit, Je ne saurois les perdre tous deux. Si j'ai fait un enfant à ma maitresse, je ne suis pas impuissant, et ma femme en aura un pié de nez. Si je suis impuissant, je n'ai pas fait un enfant à ma maitresse, et cellecy en aura le nez camus. Point du tout. Il perdit ses deux procès, parce qu'on les jugea l'un après l'autre. Cela vous paroit bien ridicule; he bien, c'est ce qui vient de m'arriver tout à l'heure à moi meme avec un auteur et un libraire à qui j'avois vendu le ms de l'auteur. Je disois, Si le libraire est mecontent, l'auteur sera satisfait; et si l'auteur n'est pas satisfait, Libraire sera content. Point du tout. Ils me chantent pouille tous deux. Je vous proteste, Docteur, que j'ai fait de mon mieux. Vous ne pensez pas qu'il est ici d'usage de ne rien payer; vous ne pensez pas que je n'aurois pas eu un écu de plus à Paris et qu'on vous y auroit mis en capillotade. Votre ms est fouré de lignes qu'aucun censeur royal n'auroit osé vous passer. Ainsi, madame Clerc, dites à votre mari qu'il se taise et qu'il me laisse en repos ». Il attend Grimm « d'un jour à l'autre », et Rey enverra à Clerc son « ballot d'exemplaires ». Puis il en vient à l'Encyclopédie: « Comment! vrai! L'encyclopédie est une aff aire décidée! Point de mauvaise plaisanterie, Docteur, s'il vous plaît. Quoi, je ne mourrai pas sans avoir fait encore une bonne action et refait un grand ouvrage, une bonne action, en dotant, pour ma part, un établissement élevé par l'humanité; refait un grand ouvrage, en le conformant au plan sur lequel il avoit été projeté; je ne mourrai pas sans m'être bien dignement vangé de la méchanceté de mes ennemis; je ne mourrai pas sans avoir élevé un obélisque sur lequel on lise, à l'honneur des Russes et de leur Souveraine et à la honte de qui il apartiendra; je ne mourrai pas sans avoir imprimé sur la terre quelques traces que le tems n'eff acera pas. J'y mettrai les quinze dernieres années de ma vie, mais à votre avis, qu'ai-je à faire de mieux? J'étois en train, lorsque j'ai reçu votre lettre, de préparer une édition complette de mes ouvrages. J'ai tout laissé là. Ces deux entreprises ne peuvent aller ensemble. Faisons L'encyclopédie; et laissons à quelque bonne ame le soin de rassembler mes guenilles, quand je serai mort. À présent que j'y réfléchis plus serieusement, la circonspection de Mr le General [Betzky] ne me surprend plus. L'aff aire d'interet ne pouvoit pas être aussi claire pour lui que celle d'utilité et de gloire pour la Souveraine. Il s'est donné le temps d'entendre et de me connoitre. Les grands sont si sujets à rencontrer des fripons, qu'ils se méfient des honnetes gens. Si nous avions été dix ou douze ans à leur place, nous nous mefierions comme eux ». Il annonce le remplacement de La Vrillière par Sartine, « je ne dis pas mon protecteur, mais mon ami de trente ans », puis parle de l'avancement des Plans et Statuts: « L'édition va son train, nous gemissons sous deux presses, l'une à Amsterdam, l'autre ici. J'y mets tout ce que je scais; maudit arabe que vous êtes, qui toisez l'amitié sur l'importance des services, faites vous couper le prepuce, et puis judaisez,
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