L.A.S. « Marcel Proust », [23 septembre 1922], à Jacques RIVIÈRE ; 5 pages in-8. Une des dernières lettres de Proust, alors que, malade, il travaille à son roman La Prisonnière. [Proust, gravement malade, met au pont le dernier volume de la Recherche du Temps perdu. Il a promis à Jacques Rivière, directeur de la Nouvelle Revue Française, des extraits qu'il doit fournir à la revue et qui donnent lieu à de nombreux échanges entre les deux hommes. Proust décide cependant de donner aux Œuvres libres un grand extrait couvrant l'époque de la vie avec Albertine et qui paraîtra en février 1923. Rivière continue à faire le siège de l'écrivain épuisé pour qu'il tienne sa promesse initiale. Proust lui enverra fi nalement Le Sommeil d'Albertine et Les Cris de Paris, après un mois et demi de bataille. Il réduit le premier de ces fragments, La regarder dormir, à six pages, et un second, Mes réveils, à deux pages et demie. Jusqu'au jour de l'impression, Rivière devra faire face aux exigences vétilleuses de l'écrivain concernant le découpage de son texte et les corrections. Les deux extraits paraissent dans la Nouvelle Revue Française du 1er novembre 1922, 18 jours seulement avant la mort de Proust. Cette lettre accompagnait le premier fragment adressé à Jacques Rivière.] « Un mélange d'évadmine et de kola me rend pour une heure la possibilité d'écrire (j'entends de tracer des caractères clairement). Je regrette de vous envoyer ce que je vous envoie. Mon morceau sur les Cris de Paris eussent plus amusé le lecteur que le résultat de mes sondages aux profondeurs du sommeil. Mais ceci fait déjà près de 15 pages de la N.R.F. Il ne faut pas abuser. Le morceau que je vous envoie doit avoir pour titre : I La regarder dormir. II Mes réveils. J'ai fait avec une énergie méritoire si vous aviez vu mon état un travail de découpage qui me rendra phrase par phrase l'établissement du volume une torture. N'ayez aucune crainte en voyant le nom de Gisèle au lieu de celui d'Albertine. Je suis trop honnête vis-à-vis de vous, et j'ajoute vis-à-vis de Fayard, pour qu'une seule ligne de ce que je vous envoie paraisse aux Œuvres libres. Il aura cela en moins dans ses extraits. Et d'ailleurs beaucoup d'autres choses. Mais je lui laisserai les Cris de Paris (ce n'est pas les Cris de Paris je vous dis très mal) je crois car le travail me semble sans cela inextricable. Nous en parlerons quand j'irai mieux. Du reste je suis déjà beaucoup mieux (grâce à l'évadmine). Mon médecin m'ayant vu en train de me tuer sur vos extraits m'a trouvé fou de travailler dans un état pareil. Je ne vous demande pas de venir me voir (maintenant je pourrais vous recevoir peut'être) mais je sais que les sorties du soir ne vous valent rien. Dites mille amitiés à Gaston à qui je suis encore trop faible pour écrire. Écrivez-moi tout de suite comment sont mes morceaux ? et s'ils ont résisté au découpage »... Il réclame des épreuves. Correspondance, t. XXI, p. 484.
L.A.S. « Marcel Proust », [23 septembre 1922], à Jacques RIVIÈRE ; 5 pages in-8. Une des dernières lettres de Proust, alors que, malade, il travaille à son roman La Prisonnière. [Proust, gravement malade, met au pont le dernier volume de la Recherche du Temps perdu. Il a promis à Jacques Rivière, directeur de la Nouvelle Revue Française, des extraits qu'il doit fournir à la revue et qui donnent lieu à de nombreux échanges entre les deux hommes. Proust décide cependant de donner aux Œuvres libres un grand extrait couvrant l'époque de la vie avec Albertine et qui paraîtra en février 1923. Rivière continue à faire le siège de l'écrivain épuisé pour qu'il tienne sa promesse initiale. Proust lui enverra fi nalement Le Sommeil d'Albertine et Les Cris de Paris, après un mois et demi de bataille. Il réduit le premier de ces fragments, La regarder dormir, à six pages, et un second, Mes réveils, à deux pages et demie. Jusqu'au jour de l'impression, Rivière devra faire face aux exigences vétilleuses de l'écrivain concernant le découpage de son texte et les corrections. Les deux extraits paraissent dans la Nouvelle Revue Française du 1er novembre 1922, 18 jours seulement avant la mort de Proust. Cette lettre accompagnait le premier fragment adressé à Jacques Rivière.] « Un mélange d'évadmine et de kola me rend pour une heure la possibilité d'écrire (j'entends de tracer des caractères clairement). Je regrette de vous envoyer ce que je vous envoie. Mon morceau sur les Cris de Paris eussent plus amusé le lecteur que le résultat de mes sondages aux profondeurs du sommeil. Mais ceci fait déjà près de 15 pages de la N.R.F. Il ne faut pas abuser. Le morceau que je vous envoie doit avoir pour titre : I La regarder dormir. II Mes réveils. J'ai fait avec une énergie méritoire si vous aviez vu mon état un travail de découpage qui me rendra phrase par phrase l'établissement du volume une torture. N'ayez aucune crainte en voyant le nom de Gisèle au lieu de celui d'Albertine. Je suis trop honnête vis-à-vis de vous, et j'ajoute vis-à-vis de Fayard, pour qu'une seule ligne de ce que je vous envoie paraisse aux Œuvres libres. Il aura cela en moins dans ses extraits. Et d'ailleurs beaucoup d'autres choses. Mais je lui laisserai les Cris de Paris (ce n'est pas les Cris de Paris je vous dis très mal) je crois car le travail me semble sans cela inextricable. Nous en parlerons quand j'irai mieux. Du reste je suis déjà beaucoup mieux (grâce à l'évadmine). Mon médecin m'ayant vu en train de me tuer sur vos extraits m'a trouvé fou de travailler dans un état pareil. Je ne vous demande pas de venir me voir (maintenant je pourrais vous recevoir peut'être) mais je sais que les sorties du soir ne vous valent rien. Dites mille amitiés à Gaston à qui je suis encore trop faible pour écrire. Écrivez-moi tout de suite comment sont mes morceaux ? et s'ils ont résisté au découpage »... Il réclame des épreuves. Correspondance, t. XXI, p. 484.
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